Ça valait la peine d’attendre. La célèbre maison du très chic boulevard Lundy, à Reims, n’avait pas créé de nouvelle cuvée depuis quarante ans. Certes, son indétrônable Brut Premier et l’universalité des blancs flacons de Cristal garantissaient à Roederer une indéfectible fidélité. Mais de là à bouleverser l’ordre établi en lançant sur le marché un champagne non dosé, millésimé de surcroît et avec le concours, très actif, de l’imprévisible Philippe Starck, c’est plutôt inattendu. On savait l’homme designer et architecte, mais pas forcément oenologue. Et pourtant, plusieurs mois durant, il a travaillé d’arrache-pied avec Frédéric Rouzaud, le directeur général, et Jean-Baptiste Lécaillon, le chef de cave, pour concevoir un champagne ” au plus près de la nature “ dont il a lui-même dessiné les contours.
Car ce créateur de tant d’objets insolites, s’il aime par-dessus tout le ” vin blond “, précise aussitôt qu’il ne boit ” que des champagnes non dosés “. et de préciser qu’il aurait considéré ” comme un mensonge de vendre une bouteille marquée Starck sans qu’il y ait du Starck à l’intérieur “. Il ne restait plus aux dirigeants de Roederer qu’à ” mettre ” son souhait ” en liquide “. ” Nous n’avons pas fait du Roederer, précise Frédéric Rouzaud, nous avons inventé un nouveau vin et laissé la place à la vigne. ” Dans le riche vignoble de plus de 200 ha de la maison, on a choisi l’un de ses sites historiques : 5 ha plantés (bientôt 10) sur les coteaux de Cumières où prospère le pinot noir. Un terroir qui, en 2006, a produit des raisins de belle maturité, fruités, généreux, et d’une texture exceptionnelle ce qui favorisait l’exclusion du dosage.